mardi 14 mai 2013

séance du 29 avril Foyer Billot




Je suis de loin, moi, je suis d’Algérie. Je suis née en 28 là-bas. Mes enfants sont nés en Algérie aussi. Yvette est née à Rouina, dans le département d’Alger. On bougeait pas là-bas. Mon père était forestier. Je n’ai pas de bons souvenirs de mon enfance. J’étais en pension dans la famille. J’étais souvent malade alors ma mère m’avait mise chez une de ses sœurs. On était à 25 kms d’un village. On ne pouvait pas m’emmener à l’école tous les matins. Mon père avait droit à une journée de congé par semaine, et il ne fallait pas qu’il change le jour. Il était fonctionnaire et c’était pas les fonctionnaires de maintenant. Pour ma moi ma mère c’était ma tante.

Je suis restée des années avec elle. J’ai deux frères qui étaient dans un collège en pension. J’étais dans une école de filles jusqu’au certificat. On a été mélangé avec les garçons après le certificat, pour les cours complémentaires. J’ai passé mon brevet. Après j’ai quitté l’école, et je suis allée travailler à Alger. Mais avant le directeur de l’école avait raconté à mon père que je parlais à un garçon. Pourtant je parlais à tous. Mon père l’a pris méchamment. Il m’a fichu une ratatouille, aussi huit jours après j’avais levé le pied. J’étais partie ! J’ai pris des cours de sténo-dactylo et j’étais sténo-dactylographe dans une entreprise à Alger. 

Oh il y en avait des filles qui faisaient ce métier ! Elles étaient tout bien maquillées avec des ongles peints, mais pour taper à la machine, ça allait doucement (sourire). Dans l’entreprise où je travaillais, on recevait tout le sucre Béghin pour le département d’Alger. J’y suis restée quatorze ans jusqu’au moment où il a fallu partir, lorsque l’on nous a dit « la valise ou le cercueil ». Je suis restée un an après l’indépendance. Mon mari ne voulait pas rentrer. J’avais fait faire les papiers pour mes gosses. Mon mari a été arrêté un samedi. Ils l’ont relâché le lundi soir et ils sont venus me chercher le mardi matin pour me faire confirmer soi-disant ce qu’il avait dit. Quand ils sont venus arrêter mon mari, je suis sortie et j’ai pris le numéro de la voiture qui l’emmenait. Et je suis allée au consulat, mais c’était un samedi. « On ne travaille pas aujourd’hui » voilà ce que l’on m’a dit. Quand j’ai été arrêtée, ils voulaient me faire dire ce que mon mari avait dit. Qu’est-ce qu’il avait dit ? « Votre mari nous a affirmé qu’il envoyait de l’argent en France ». Je le savais. Alors j’ai dit oui. Mais on envoie de l’argent parce que les livraisons que l’on nous fait en Algérie doivent être payées en France. Mon mari, je l’avais connu à Alger. Il était d’origine espagnole et italienne. Moi j’étais moitié espagnole, moitié française. Mon père était bourguignon et ma mère était des Baléares. Mon mari était charcutier. Les bouchers n’avaient pas le droit de vendre du cochon. C’était bien défini. 

Pierrette est née le 29 juin 1927 à Nîmes. Mes parents habitaient à Frontignan, et ma mère est allée accoucher à Nîmes. Je me suis mariée à Saint Gilles, où j’habitais depuis l’âge de 12 ans. Je ne me plaisais pas à l’école de Saint Gilles. C’était le fait de changer d’école. Les enfants ne vous acceptaient pas. Je n’aimais pas aller à l’école. J’ai dit à ma mère « le certificat je ne le passerai pas ». Je suis allée ramasser les serments dans les vignes. Avec une copine on rigolait en ramassant les serments. A l’époque on travaillait dur, on ne regardait pas les heures. On était fier de travailler. Après j’ai travaillé aux paillassons. On assemblait des roseaux pour faire les palissades. J’ai fait ça jusqu’à mon mariage.
Comment j’ai rencontré mon mari ? Un dimanche avec ma mère on est allé en car avec des personnes âgées. Je ne trouvais pas ça terrible. Mais bon, là où on était il y avait un bal. J’avais remarqué un garçon qui me regardait, alors je descendais danser avec lui, mais je remontais vite ! Mes parents me disent : cet après-midi on va aller aux arènes. Je n’avais jamais mis les pieds aux arènes. De retour on faisait la farandole, c’est comme ça que je me suis retrouvée entre celui qui allait devenir mon mari et le futur mari de ma copine ! Le dimanche après, ma copine me dit « si on allait aux arènes ? ». On y est allé et là j’ai revu ce jeune avec lequel j’avais dansé. On était toutes les deux à la grille là, et l’on regardait. Tout d’un coup ce jeune s’approche, il me regarde et il me dit « dites-moi :dimanche passé vous n’étiez pas à tel endroit ? »  Oh pétard ! Avec toutes les filles qu’il y avait, il m’a remarquée, moi (rires). « Je vous ai reconnue à vos pendants ! » J’ai dit ça alors ! Puis les garçons  sont repartis. Le dimanche après avec ma copine, on se dit ah c’est dommage qu’on les voie pas (elle, elle avait pris le béguin de suite). Et té regarde ! Ils étaient tous les deux en bas ! Quand je me promenais avec ma copine, je luis disais « mais comment il s’appelle ce gars ? »  Elle me répétait CA… Mince je disais, il a un nom à coucher dehors, et bien un an après, ce nom, je le portais…

samedi 11 mai 2013

Mas-Thibert


Je suis née à Arles le deux décembre mille neuf cent cinquante, et j’ai toujours vécu  Mas-Thibert. Il fait partie de ces nombreux villages qui font de la commune d’Arles la plus grande commune de France de par sa superficie. Nous habitions une grande maison. Celle du garde digues chez mon oncle et ma tante. Cette maison a fini par être rasée. Il faut avoir une bonne raison pour se rendre dans mon village ou simplement y habiter .Construit autour des marais, on y cultive le blé, le riz, le tournesol et le foin qui nourrit les moutons et les taureaux camarguais.A la belle saison les touristes se pressent aux portes du marais du Vigueirat pour y admirer la faune et la flore, postés en des endroits stratégiques dans de petites cabanes de chasseurs reliées entre elles par des passerelles en bois au milieu des marécages et des nuages de moustiques. De belles balades en calèches sont également proposées.
A l’époque, Le canal tenait une grande place dans la vie quotidienne des villageois. Les vieux y lavaient leurs linges, et par manque de commodités les gens y déversaient leurs sceaux remplis suite à des  besoins naturels évidents.
Au jour d’aujourd’hui, le village s’est appauvri de ses commerces de proximité. La mercerie et le buraliste du bout du village ne sont plus là, et je me souviens du temps ou le coiffeur se faisait une petite place dans un coin du bar restaurant pour coiffer des cheveux trop ébouriffés et raccourcir des bacchantes trop longues avant d’investir son propre local. Il y avait également deux boulangeries, un garagiste dont le fils plus très loin de la retraite à repris lui a succédé.Les pompes vont arrêter de fonctionner cette année. Il ne fera plus que des réparations. La poste est toujours là, le docteur aussi. J’oubliais le maréchal ferrant .Monsieur Meffre Fernand Il travaillait le cuir et fabriquait des selles de cheval sur la route de Port-St Louis du Rhône à droite dans une cabane de gardian qui existe toujours mais qui est laissée à l’abandon : «  La cabane de Jean Mizon ».

Etant petite Je suis allée à l’école primaire et après j’y ai fait le ménage. J’ai travaillé au début en remplacements comme femme d’entretien et aide cantinière puis j’ai été embauchée et retraitée. Je me souviens du temps où nous accompagnions les enfants à la mer pendant les colonies de vacances à Salin de Giraud. A l’heure où les enfants reprenaient le chemin du retour avec le car, le soir, je restais pour vider, nettoyer, et remettre de l’eau propre dans les sceaux car sur la plage moins qu'ailleurs il n'y avait de toilettes. Le retard pris chaque soir à effectuer cette tache me faisait rater l’heure de la traversée du Rhône avec la navette fluviale du bac de Barcarin. Je rentrais souvent à pied, ou quelques fois des personnes me prenaient au bord de la route. J’ai également travaillé au Mazet. De l’autre côté de Mas-Thibert dans le bidon ville dédié aux harkis.

Récit de Lucette Tibaldi retranscrit par Antoinette

Asuncion Santa Maria


Je suis née le 7 juin 1930 en Espagne, à Sueca dans la province de Valencia. Je me suis mariée avec José à l’âge de 26 ans, le 8 septembre. Il était carreleur-maçon en Espagne. Avec la guerre d’Espagne quand nous sommes arrivés en France, il a fallu s’adapter. Il a du exercer différents métiers. Il a fait mécanicien, plombier, ferrailleur. Le problème c’est qu’à l’époque les patrons ne déclaraient pas toujours leurs employés. Aujourd’hui, en retraite il ne touche que dans les 600 euros par mois. Ce n’est pas facile alors il se débrouille à droite à gauche. Il récupère des fers à repasser ; des fours micro-ondes, de la ferraille pour la revendre et gagner quelque euros de plus. Nous avons eu deux filles : Assomption Gloria née en 1958 et Josetta née en 1961. 

Griffeuille

José a pu nous offrir un toit dans le quartier de Griffeuille à Arles. Il a acheté une vieille maison ou tout était à faire. Les toilettes étaient dans le jardin .
Je suis l’aînée  de la famille. Nous étions trois. Le plus jeune est mort à 60 ans.
Mon père était maçon. Nous vivions dans la maison de ma grand- mère. Il a fallu que mon père construise une chambre supplémentaire pour mes frères. Nous avions dans la cour des poules et des lapins. Papa était très maniaque. Il se lavait les mains cinquante fois. Il craignait tout ! Il avait mis au point un système de récupération des excréments des lapins en dessous de leurs clapiers. Il marquait ses couverts à son nom de sorte que lui seul les utilise. Il nous surveillait de près. Nous avions l’autorisation de jouer dans la rue devant la maison .Il pouvait avoir l’œil sur nous. Je suivais de très près ses recommandations. Il disait :  "Quand les lumières du soir s’allument, tu rentres à la maison !" Il a effectué son service militaire au Maroc. Il est décédé à l’âge de quarante ans.

Pendant la guerre d’Espagne
Franco faisait donner du pain immangeable. Tellement mauvais que même les poules n’en voulaient pas. Il avait un goût de sciure de bois. Alors ma mère se débrouillait avec du riz pour nous en préparer façon maison. Elle prenait du riz blanc qu’elle déversait dans un saladier rempli d’eau Elle le laissait tremper toute la nuit. Le lendemain, une fois égoutté, elle le pilait, l’écrasait, pour en faire de la farine .Puis elle rajoutait du lait et remuait le tout jusqu’à l’obtention d’une pâte qu’elle étalait à l’aide d’un rouleau à pâtisserie pour en faire des boudins. Une fois fait, elle le portait à cuire d’ans le four au feu de bois du boulanger ,qui ,moyennant une petite rétribution nous transformait les boudins en un pain un peu particulier mais chaud et croustillant.

Footballeur en Espagne
Mon frère était une « bête « »de travail. Il exerçait trois emplois dans la maçonnerie et il était footballeur en Espagne. Quand il est arrivé à Port St Louis du Rhône il a continué à travailler d’arrache-pied et a intégré l’équipe de foot de la ville. Il était très aimé car il était très serviable. Il proposait son aide à qui en avait besoin. Tous les matins il se rendait au chevet de son beau-père malade et lui faisait la toilette. A son enterrement il y avait beaucoup de monde y compris monsieur le maire. Mon neveu, son fils, ressemble beaucoup à sa mère physiquement mais de caractère, il est comme l’était son père.

Récit recueilli par Antoinette