Ce sont des moments d'une rare intensité, qui nous permettent d'échanger sur le passé de chacun, et de se rappeler de bonnes recettes de cuisine (qui donneront lieu à un recueil particulier)...
Eugène Barterat vit depuis trois ans à la Maison du Lac.
Disposé à me raconter un peu de son histoire, nous allons dehors pour parler.
Il s’installe sur le banc au soleil et tire de son blouson de cuir une
cigarette. "J’en fume deux ou trois par jour, pas plus".
Je ne lui fais aucune remarque sur sa justification qu’il n’a pas à me faire. A près de 90 ans, Eugène Barterat fait comme bon lui semble. Le soleil révèle ses yeux clairs et bleus. Sa vitalité.
Eugène est né le 11 juillet 1924 à Salon de Provence. Monsieur Barterat a fait partie de la Résistance. J’attaque la discussion sous cet angle héroïque. Mais l’homme reste imperturbable, et humble.
« Oh ben moi vous savez, je n’ai pas fait grand chose. Un peu des papiers, et ça m’est arrivé d’aller vers Mas Thibert, mettre des gens dans un avion. Mais je ne sais pas qui j’ai mené, ni qui j’ai récupéré. Il y en a qui partaient, il y en a qui arrivaient aussi. C’étaient des Français, des gens dont je n’ai jamais su le nom. Eh oui c’était trop dangereux de savoir les noms. J’avais un billet de vingt francs coupé en deux, et j’allais à tel endroit, à tel numéro et il y avait un bonhomme, ou une bonne femme qui devait me donner l’autre moitié de ce billet. Alors je savais à qui j’avais affaire, je savais que c’était quelqu’un du réseau, mais je ne le connaissais pas. Mon père portait des papiers à Toulon. Le réseau c’était « combat ». Je n’en sais pas plus. Le seul que j’ai vu et reconnu et qui est devenu par la suite bâtonnier à Aix, c’était Maître Juvenal. Il n’y a que lui dont je connaissais de nom. D’ailleurs juste avant à la Libération plusieurs ont été arrêtés, torturés, au Val de Cuech. Il y en a un qui s’appelait Jourdan. Une fois ils sont venus pour arrêter mon père, qui lui aussi faisait partie du réseau. Je baragouinais un peu l’allemand. Je suis allé directement à la Kommandantur, et j’ai dit « il est arrivé trois hommes là qui ont embarqué mon père ». Le gars a téléphoné et il a dit « ah c’est bon ». Ils avaient juste questionné mon père pour lui demander pourquoi il avait une carte, il avait répondu qu’il crevait de faim et que c’était pour trouver à manger. Ma foi ils ne l’ont pas torturé ni rien. Il a été libéré.
J’étais rentré dans la Résistance par mon père. Pendant tout le temps de la guerre, je ne l’ai vu qu’une fois. On était dans le même train, j’ai fait comme si je ne le connaissais pas. Il fallait jouer double jeu pendant la guerre. Faire attention à tout.
J’avais été mobilisé pour les chantiers de jeunesse du temps de Pétain, j’avais reçu mon papier pour aller à Aguessac. Ils m’attendent encore ! Monsieur Marc, qui est aussi à la maison du Lac, lui il est allé à Aguessac. Moi je suis resté un an chez des amis dans le Vaucluse, à côté de Carpentras. Après on a vu les Allemands qui foutaient le camp. Un jour j’étais près de l’étang de Berre, et j’ai eu chaud. Ils m’ont demandé la route pour Avignon. Ils m’ont pris le bois que je coupais et ils sont partis avec. Quand je suis revenu du Vaucluse, je suis rentré à la Tuilerie à Istres. Et là les Allemands nous ont ramassé au camp d’aviation. J’ai reçu trois ou quatre fois un papier pour aller travailler en Allemagne. Je n’y suis jamais allé. Il y avait un « bon vieux » là, enfin un Allemand quand même, qui avait fait la guerre de 14 et qui était blessé au pied. Un jour je me dis « merde tu tentes le coup, c’était au moment du débarquement. Il a réussi à ma faire échapper au STO. A la Libération je suis parti dans l’Armée De Lattre, l’Armée Française de Libération. J’avais 20 ans, j’étais marié avec un gosse. Mais je suis parti quand même.
Après j’avais fait une demande pour entrer dans la police. Je suis rentré comme CRS à Aix. C’étaient les anciens GMR (groupe mobile de réserve) les anciens de Vichy. Quand ils nous ont donné les tenues, il y avait les boutons avec la francisque de Pétain. J’ai dit oh putain je le porterai pas ! J’avais écrit plus haut. Et finalement on a eu des uniformes avec des boutons sur lesquels il n’y avait rien, puis des boutons avec RF dessus. Là ça allait. J’ai accepté de revêtir l’uniforme.
Je ne lui fais aucune remarque sur sa justification qu’il n’a pas à me faire. A près de 90 ans, Eugène Barterat fait comme bon lui semble. Le soleil révèle ses yeux clairs et bleus. Sa vitalité.
Eugène est né le 11 juillet 1924 à Salon de Provence. Monsieur Barterat a fait partie de la Résistance. J’attaque la discussion sous cet angle héroïque. Mais l’homme reste imperturbable, et humble.
« Oh ben moi vous savez, je n’ai pas fait grand chose. Un peu des papiers, et ça m’est arrivé d’aller vers Mas Thibert, mettre des gens dans un avion. Mais je ne sais pas qui j’ai mené, ni qui j’ai récupéré. Il y en a qui partaient, il y en a qui arrivaient aussi. C’étaient des Français, des gens dont je n’ai jamais su le nom. Eh oui c’était trop dangereux de savoir les noms. J’avais un billet de vingt francs coupé en deux, et j’allais à tel endroit, à tel numéro et il y avait un bonhomme, ou une bonne femme qui devait me donner l’autre moitié de ce billet. Alors je savais à qui j’avais affaire, je savais que c’était quelqu’un du réseau, mais je ne le connaissais pas. Mon père portait des papiers à Toulon. Le réseau c’était « combat ». Je n’en sais pas plus. Le seul que j’ai vu et reconnu et qui est devenu par la suite bâtonnier à Aix, c’était Maître Juvenal. Il n’y a que lui dont je connaissais de nom. D’ailleurs juste avant à la Libération plusieurs ont été arrêtés, torturés, au Val de Cuech. Il y en a un qui s’appelait Jourdan. Une fois ils sont venus pour arrêter mon père, qui lui aussi faisait partie du réseau. Je baragouinais un peu l’allemand. Je suis allé directement à la Kommandantur, et j’ai dit « il est arrivé trois hommes là qui ont embarqué mon père ». Le gars a téléphoné et il a dit « ah c’est bon ». Ils avaient juste questionné mon père pour lui demander pourquoi il avait une carte, il avait répondu qu’il crevait de faim et que c’était pour trouver à manger. Ma foi ils ne l’ont pas torturé ni rien. Il a été libéré.
J’étais rentré dans la Résistance par mon père. Pendant tout le temps de la guerre, je ne l’ai vu qu’une fois. On était dans le même train, j’ai fait comme si je ne le connaissais pas. Il fallait jouer double jeu pendant la guerre. Faire attention à tout.
J’avais été mobilisé pour les chantiers de jeunesse du temps de Pétain, j’avais reçu mon papier pour aller à Aguessac. Ils m’attendent encore ! Monsieur Marc, qui est aussi à la maison du Lac, lui il est allé à Aguessac. Moi je suis resté un an chez des amis dans le Vaucluse, à côté de Carpentras. Après on a vu les Allemands qui foutaient le camp. Un jour j’étais près de l’étang de Berre, et j’ai eu chaud. Ils m’ont demandé la route pour Avignon. Ils m’ont pris le bois que je coupais et ils sont partis avec. Quand je suis revenu du Vaucluse, je suis rentré à la Tuilerie à Istres. Et là les Allemands nous ont ramassé au camp d’aviation. J’ai reçu trois ou quatre fois un papier pour aller travailler en Allemagne. Je n’y suis jamais allé. Il y avait un « bon vieux » là, enfin un Allemand quand même, qui avait fait la guerre de 14 et qui était blessé au pied. Un jour je me dis « merde tu tentes le coup, c’était au moment du débarquement. Il a réussi à ma faire échapper au STO. A la Libération je suis parti dans l’Armée De Lattre, l’Armée Française de Libération. J’avais 20 ans, j’étais marié avec un gosse. Mais je suis parti quand même.
Après j’avais fait une demande pour entrer dans la police. Je suis rentré comme CRS à Aix. C’étaient les anciens GMR (groupe mobile de réserve) les anciens de Vichy. Quand ils nous ont donné les tenues, il y avait les boutons avec la francisque de Pétain. J’ai dit oh putain je le porterai pas ! J’avais écrit plus haut. Et finalement on a eu des uniformes avec des boutons sur lesquels il n’y avait rien, puis des boutons avec RF dessus. Là ça allait. J’ai accepté de revêtir l’uniforme.